Je suis monté sur scène pour déclamer de la poésie. Et tout ne s’est pas passé comme prévu…
Voici le contexte. Cela fait quelques mois que j’écris des textes entre slam et poésie, textes que je partage sur Internet. Dire un texte face caméra, qui plus est, une poésie, c’est déjà un gros challenge pour moi. C’est m’affirmer en montrant une facette de ma personnalité que je n’avais jamais montrée. J’ai plutôt l’habitude de partager des vidéos de mes aventures au bout du monde.
Mais cette fois, j’avais envie de me challenger et de déclamer ma poésie face à un public ! Je voulais pouvoir ressentir le pouvoir de la scène, et voir si j’aimais ça. Mais il a fallu travailler sur moi pour oser franchir le pas. Casser des barrières que je m’étais mises. Prendre mon courage à deux mains et putain d’oser.
Je me suis donc inscrit à une scène ouverte de Stand-up. Des humoristes viennent tester des « 5 minutes » face à un public. Pour ne rien vous cacher, cela fait des années que j’y pense et que je me rêve d’être sur scène. Premier problème, je fais de la poésie alors que tout le monde est venu faire de l’humour. Ça fout la pression d’entrée de jeu. Est-ce que de la poésie a sa place dans ce genre de soirée où les gens viennent rigoler ? Tout ce que je sais, c’est que l’organisatrice a validé ma venue.
Je me fous la pression. En serais-je capable ? Le stress commence à monter alors que je ne joue que dans 10 jours ! Je passe une semaine à apprendre mon texte ‘Cap sur le bonheur’. Ma hantise : avoir un trou sur scène. J’ai une piètre mémoire des mots, et il me faut travailler beaucoup pour me rappeler d’un texte, même le mien. Je répète inlassablement en associant une gestuelle aux différentes phrases. Ça m’aide à me souvenir du déroulé de l’histoire que je raconte.
Arrive la soirée scène ouverte. J’ai stressé toute la journée. J’ai le bide retourné, et pour ne rien vous cacher, je fais que de péter ahah. Que celui qui n’a jamais pété de stress lève la main. Le stress congestionne tout mon corps. Je suis incapable de me détendre. Dans le public d’une trentaine de personnes, il y a des amis qui sont venus m’encourager. J’aimerais les épater et être rayonnant. Mais c’est pas gagné…
La maitre de cérémonie (MC) introduit la soirée, et invite le premier invité. Et il faut bien commencer par quelqu’un, ça sera moi, Capitaine Rémi.
Je monte sur scène avec beaucoup d’appréhension. La MC me donne le micro. Ah merde, je ne vais pas avoir mes mains de libres. J’avais pas du tout réfléchi au fait d’avoir les mains prises. Le stress monte d’un cran. Le micro tremble, enfin c’est plutôt ma main qui tremble. Je vois trente paires d’yeux rivés sur moi, les oreilles grandes ouvertes.. Powaaaa, c’est puissant et tellement flippant.
Je commence ma poésie. Les premiers vers sortent. J’ai du mal à articuler. Je piétine sur quelques mots. À peine le premier couplet de terminer que j’ai la bouche complètement asséchée. J’ai la pâteuse et je crains que plus aucun mot ne sorte. Je ne vais jamais pouvoir finir mon 5 minutes dans ces conditions. Alors que je viens tout juste de commencer, je m’autorise à arrêter pour boire de l’eau. Heureusement que je m’étais mis un verre juste à côté.
Je reprends ma poésie. J’ai le sentiment de me dédoubler. L’un qui récite mon texte, et l’autre qui pense à un tas de trucs. Tout le monde est attentif, sauf moi. Ma petite voix interne me parle en permanence : « Tiens bien le micro, tiens-toi droit, arrête de bouger, articule, sois plus expressif, regarde le public ». Je peine à donner de l’intensité dans ce que je raconte. Je suis tout sauf présent. Moi qui arrivais à jouer mon texte et à m’amuser quand je le faisais chez moi, je me retrouve apeuré. Mon langage corporel ne trompe pas. Je sautille partout, incapable de m’ancrer. Comme-ci sautiller allait me faire disparaitre. Ne pas avoir les mains libres me perturbe. Elles me permettent normalement d’accompagner mon texte, mais surtout de m’en souvenir. Le micro que je tiens me gène. Et plus j’avance dans ma prose, et plus je me cache derrière. On ne voit bientôt plus mes yeux ! Mais c’est pas ça le pire.
Je finis un couplet, et là, c’est le vide. Plus rien. Je n’ai aucune idée de la suite. Je regarde mon amie dans le public qui m’a entendu répéter toute la journée. Je la pointe du doigt : « Toi ! ». Elle panique. Moi aussi. Qu’est-ce que je suis en train de faire ?!? Vite, il faut que je reprenne. Je lui adresse une question « Ca te dirait pas d’être Capitaine ? » Elle me regarde et attend, comme le reste du public. Respire. Fais comme-ci c’était normal. Ouf, mon texte revient. Enfin presque. Je saute deux paragraphes ni vu ni connu. Le public perçoit mon stress, mais ne peut savoir que j’ai zappé deux tercets.
Je continue, et plus j’avance, plus je me détends. J’arrive enfin à être moi-même, à prendre le pouls du public, à le ressentir. C’est puissant et d’une telle satisfaction. J’aimerais me sentir dans cet état en permanence. Une sensation d’être à la bonne place. Quand je finis ma poésie, je remercie le public et m’éclipse aussi rapidement que je suis arrivé. Ouf, c’est terminé, je peux enfin respirer.
Mes amis me félicitent pour ma prestation, des personnes du public viennent me voir et me disent : « Quel courage ! ». Traduction : « T’étais pas prêt mais t’es monté sur scène, j’aurai jamais osé ! ». Tu m’étonnes. C’était ma première prestation sur scène, et elle était vraiment pas terrible. Mais, elle a le mérite d’exister. Il y a une première à tout. C’était un rêve, et c’est devenu réalité.
Alors quand on me demande si j’ai kiffé ? Ma première réponse est non. Je n’ai pas aimé cet état de stress qui m’a pas quitté.
Mais j’ai qu’une envie, c’est recommencer. Je veux remonter sur scène car la sensation est unique. Et puis, je veux être capable de catalyser mon stress et pour ça, il faut que je recommence.
Et pour rien vous cacher, je sens une connexion avec le public, un truc indescriptible, comme ci j’étais fait pour raconter des histoires sur scène. Y a plus qu’à travailler tout ça…
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Ce texte, je l’ai écrit il y a 9 mois. Depuis, je suis remonté sur scène à de maintes reprises, m’améliorant à chaque passage. Le stress a disparu. Je l’ai vaincu, ou plutôt, je l’ai apprivoisé.
Et puis, j’ai carrément passé la vitesse supérieure en testant un 60 minutes. Oui, vous avez bien lu.
Je suis passé d’une poésie de 5 minutes à un spectacle d’une heure ! Vous imaginez ?!
Me voilà à présent capable de jouer un oneman show de plus de 60 minutes, en mêlant poésie et stand-up ! Et la semaine dernière, je l’ai joué devant 70 personnes. POW POW POW !! Zéro stress, mais surtout 70 cœurs qui battent à l’unissons, des rires en pagaille, des larmes rieuses et même des hurlements de loups !
Franchement, même moi je n’en reviens pas du chemin parcouru.
Maintenant, y a plus qu’à le jouer et le rejouer !
Prochaine date : 24 Sept, Montpellier, au What A Trip Festival.
PS : Ah oui, Je cherche des lieux pour jouer mon spectacle, si tu as une association, si tu veux m’inviter dans ton chez toi (Proche Avignon) pour le jouer devant tes amis, que tu as une salle, que tu connais quelqu’un qui connait quelqu’un… Merci d’avance !